La politique d’arabisation entamée dès le milieu des années 90 aurait largement impacté notre système d’enseignement et dévalorisé l’apprentissage d’autres langues. Qu’en est-il vraiment ?
Si beaucoup y ont vu un retour aux sources et aux racines, d’autres y ont décelé les signes avant-coureurs d’une rupture et d’un renfermement sur soi. Toujours est-il que cette question reste d’une grande actualité et acuité.
Si notre pays avait adopté la langue française aux côtés de la langue arabe dans l’enseignement, dès le début de l’indépendance, ce n’était pas par hasard. Cette cohabitation avait contribué à la formation des élites qui ont pris en charge les affaires de l’Etat durant les 40 années qui suivirent. Cependant, l’introduction de l’enseignement de certaines matières scientifiques en langue arabe (maths, sciences), ainsi que l’arabisation de la philo ou d’autres matières comme l’histoire et la géographie ont bousculé de nombreuses données. C’est là, du moins, l’avis de nombreux observateurs du paysage éducatif.
Le virage en neuvième !
Ce virage impulsé à notre système n’a pas été sans causer des préjudices incontestables. Nombreux sont les pédagogues qui déplorent la chute du niveau des acquisitions chez nos apprenants. Déroutés qu’ils sont par le détour qu’ils doivent faire tout au long de leur cursus. En ne prenant que l’exemple de l’enseignement du français, on constate l’embarras dans lequel on place nos enfants lorsqu’on étudie tout en arabe jusqu’en 9ème année. Et, subitement, on reprend des matières comme les maths en français. Cette “déconnexion” a un effet déstabilisateur sur les capacités de l’élève à assimiler les connaissances et à se familiariser avec un nouveau lexique. L’élève a l’impression de tout reprendre à zéro, en utilisant les mêmes concepts, mais en français, cette fois. Les enseignants, aussi, ont du mal à s’adapter à un enseignement à deux vitesses. On parle ici de ceux qui ont des élèves appartenant aux degrés préparatoires et secondaires. C’est-à-dire ceux qui ont des collégiens et des lycéens.
Enseignement à deux vitesses
Concernant, aussi, l’enseignement de la philo en arabe, en vérité, il ne s’agit que d’une pure transposition du français vers l’arabe. Les lycéens sont obligés de retenir des concepts traduits carrément. Les manuels qu’ils utilisent les renvoient vers une bibliographie française. En fait, les élèves ont peu de chance d’enrichir leurs connaissances. Cette “dualité” dans les terminologies a son impact sur les capacités d’apprentissage. Quant à l’enseignement de la langue française elle -même, il y a bien des remarques à faire. En premier, il y a lieu de signaler la baisse progressive au niveau aussi bien des élèves que de certains enseignants. Cette carence se remarque, surtout, chez les enseignants des matières comme les maths, la physique-chimie, les sciences. D’où la nécessité d’une formation continue plus soutenue.
Langues véhiculaires
De plus, il ne faut pas oublier que la plupart des matières seront enseignées en français au niveau des études universitaires. Donc, une certaine maîtrise de la langue française est-elle requise. Sinon, ce sera un lourd handicap pour de nombreux étudiants. L’utilisation de cette langue véhiculaire n’est, en aucun cas, l’aveu d’une quelconque faiblesse, mais elle est nécessaire pour accéder au plus vite aux connaissances. C’est, comme l’a dit l’Algérien Kateb Yacine, l’auteur du roman “Nedjma”, la langue française est “un butin de guerre “. Pourquoi ne pas l’utiliser, sans le moindre complexe d’infériorité, pour faciliter l’accès aux savoirs et aux sources des nouvelles technologies ? Il est utile de savoir que nos jeunes sont, d’ores et déjà, conscients de l’enjeu. Ils savent, pertinemment, que l’avenir est aux langues. Aussi, les voit-on s’investir, pleinement, dans cette orientation. D’ailleurs, ils sont nombreux à choisir, en plus de l’anglais (obligatoire à côté du français), des langues comme l’allemand, l’espagnol et même le russe et le chinois.